Madeline Lauener
Vancouver BC
Canada
Cette histoire est parue dans The Globe and Mail.
« J’ai eu de la chance, car ma sœur était parfaitement compatible en tant que donneuse de cellules souches pour mon type de cancer », dit-elle.
Madeline avait un lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) non hodgkinien. Ce type de cancer du sang survient lorsque les lymphocytes – globules blancs qui luttent habituellement contre les infections – prolifèrent de façon incontrôlée. L’accumulation de lymphocytes provoque un gonflement des ganglions lymphatiques ou d’autres parties de l’organisme comme les poumons ou la peau. Les symptômes peuvent comprendre la fièvre, les sueurs nocturnes et la perte de poids.
En général, le LAGC apparaît vers l’âge de 12 ans. Il représente environ 10 à 15 % de tous les cas de lymphome non hodgkinien chez les enfants, c’est-à-dire qu’environ 10 à 15 cas se produisent par année au Canada.
Les gens qui font face à un diagnostic de cancer du sang n’ont pas tous la même chance que Madeline; en fait, 25 % des enfants qui reçoivent une greffe de cellules souches finissent par avoir une maladie grave et invalidante appelée « maladie chronique du greffon contre l’hôte », qui peut toucher les systèmes organiques (p. ex. la peau, l’intestin, le foie, les poumons et le cœur) et, dans les cas sévères, entraîner la mort.
Madeline est en rémission depuis près de dix ans. Son expérience l’a amenée à poursuivre une carrière pour apprendre comment aider les enfants ayant un cancer. Après avoir obtenu son diplôme de l’Université Simon Fraser en 2020, Madeline a entrepris un doctorat à la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, et elle commence cet automne la troisième année de son programme. Madeline compte devenir pédiatre oncologue.
« Ayant déjà eu un cancer, j’ai constaté les effets importants du cancer sur les patients, leur famille et toutes les personnes qui les soutiennent, précise-t-elle. C’est quelque chose qui m’a poussée à m’investir dans ce domaine de la médecine et à améliorer des vies. »
Traitement pour les personnes qui n’ont plus d’options
ans le cadre de son programme, Madeline collabore avec des chercheurs à l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, où elle a été traitée. Leur travail porte sur un traitement appelé « thérapie par lymphocytes T à récepteur antigénique chimérique » (ou thérapie CAR-T).
La thérapie CAR-T utilise les cellules immunitaires (lymphocytes T) du patient pour repérer et éliminer les cellules cancéreuses. Cette intervention complexe consiste à extraire les lymphocytes T du sang, puis à les modifier génétiquement en laboratoire; les lymphocytes T modifiés sont ensuite réintroduits dans le système sanguin du patient, où ils se multiplieront, puis repéreront et élimineront les cellules cancéreuses.
« La thérapie CAR-T représente un changement de paradigme. Elle sauve les patients qui n’ont plus d’options », affirme Nadine Prévost, directrice, Recherche et soutien communautaire, Société de leucémie et lymphome du Canada (SLLC).
Cette thérapie cellulaire est très prometteuse parce qu’elle peut être efficace contre certains cancers du sang qui n’ont pas répondu à d’autres traitements. Vu qu’il s’agit d’une nouvelle intervention de pointe, la thérapie CAR-T est dispendieuse – elle peut coûter au système médical jusqu’à 1 million de dollars par patient.
Les coûts peuvent diminuer au fur et à mesure que les chercheurs améliorent le processus de la thérapie CAR-T et que de nouvelles installations sont construites et déployées, mais cette réduction de coûts prend du temps. La thérapie CAR-T est un traitement médicamenteux très personnalisé. Il faut une grande expertise et une infrastructure importante pour produire et administrer ce traitement hautement spécialisé en toute sécurité et avec succès.
« Au Canada, nous avons besoin d’offrir de nouveaux traitements novateurs comme la thérapie CAR-T. Mais il n’est pas seulement question d’ajouter un nouveau médicament à une liste – il faut du nouvel équipement et des formations pour fournir ces solutions à plus de Canadiens de façon durable », déclare Mme Prévost.
Un grand obstacle à noter, c’est l’absence de laboratoires canadiens où ces lymphocytes T personnalisés peuvent être modifiés pour combattre les cancers des patients.
« Les personnes qui ont besoin d’un traitement n’ont pas à se rendre aux États-Unis, mais leurs cellules doivent être envoyées là-bas pour être analysées », explique Mme Prévost.
Les chercheurs canadiens sont donc limités dans leur capacité à entreprendre des essais cliniques sur la thérapie CAR-T au Canada. Les patients doivent attendre que les essais soient autorisés dans un autre pays avant qu’on puisse même les autoriser ici.
Un meilleur accès aux traitements de pointe
Dans le but d’offrir la thérapie CAR-T à plus de Canadiens, la SLLC s’est alliée à BioCanRx, un réseau de scientifiques, de cliniciens, d’établissements universitaires, d’organisations non gouvernementales et de partenaires de l’industrie, afin d’accélérer la mise au point d’immunothérapies de pointe.
L’objectif est d’accroître la capacité des chercheurs à fabriquer des cellules CAR-T au Canada et, au bout du compte, d’améliorer l’accès à ce traitement vital. La Dre Kekre se charge de fabriquer et d’administrer un produit CAR-T dans le cadre d’un essai clinique de phase I, mené actuellement dans des établissements à Ottawa et à Victoria.
La SLLC est l’un des partenaires financiers de cette initiative, ayant injecté 500 000 $ cette année pour soutenir le projet.
« C’est l’un des nombreux projets importants que nous soutenons », souligne Mme Prévost, qui ajoute que tous les projets de la SLLC bénéficient de dons individuels provenant de partout au Canada.
Au fur et à mesure que progressent des initiatives comme celle-ci, l’éventail d’options thérapeutiques pour les personnes ayant un cancer du sang continue à s’élargir. La thérapie CAR-T est maintenant offerte dans des centres de cancérologie en Ontario, au Québec, en Alberta et dans les provinces de l’Atlantique. À l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, Madeline Lauener a mené des recherches sur les cellules immunitaires en collaboration avec le Dr Kirk Schultz, oncologue et directeur du Programme de recherche sur le cancer chez les enfants de la Fondation Michael Cuccione.
Madeline affirme qu’en tant que survivante d’un cancer, elle est toujours inspirée par l’esprit innovateur et le dévouement des chercheurs spécialisés dans le domaine des cancers du sang.
« Je sais par expérience que le cancer peut conduire à la solitude, dit-elle. Mais il faut que tout le monde soit conscient d’une chose : des gens travaillent sans relâche pour améliorer des vies. Vous n’êtes pas seuls. »
Pour garantir la poursuite des recherches de pointe, y compris la première initiative canadienne sur la thérapie CAR-T, faites un don à cancersdusang.ca.