Gail Whiteford
Calgary AB
Canada
En mai 2014, je venais de rentrer d’un séjour de six semaines au Japon et en Australie, un cadeau que je m’étais fait à l’occasion de la retraite. Lorsque j’enseignais, je planifiais toujours mes rendez-vous médicaux en juin pour m’assurer d’être en bonne forme pour la rentrée scolaire. Comme je n’avais rien changé à cette habitude, je suis donc allée voir mon médecin pour passer tous les examens nécessaires, y compris une prise de sang. Les résultats de mes analyses de sang ont montré un taux de globules blancs très faible, et mon médecin m’a donc demandé de repasser les tests un mois plus tard. Cette fois, mon taux de globules blancs avait encore baissé et il m’a redirigée vers un hématologue.
Le spécialiste m’a dit : « Vous avez une leucémie, un syndrome myélodysplasique ou SMD. C’est un cancer. » Silence. Après nous avoir donné, à ma fille et à moi, une brève explication, il m’a demandé de prendre un autre rendez-vous, une fois que j’aurais assimilé cette nouvelle. Il a recommandé une greffe de cellules souches comme la meilleure option de traitement et nous a gentiment expliqué tous les risques et la façon de procéder. Et pendant que nous attendions la greffe…, j’y ai pensé à deux fois! J’ai d’abord dû décider si c’est vraiment cela que je voulais.
Accompagnée de mes filles, j’ai rencontré un conseiller et une infirmière pour examiner les différentes options. Sans la greffe, il me restait peut-être cinq ans à vivre, mais on n’avait aucune certitude à cet égard. Nous sommes rentrés à la maison avec une tonne de brochures pour en discuter et les filles ont conclu que je n’avais pas d’autre option. Mon père, qui était mort de leucémie il y a 20 ans, avait déjà refusé le traitement auparavant, elles étaient donc bien décidées à ce que je l’accepte. J’ai dit oui. Aucun membre de ma famille ou de mes amis n’était en mesure de me faire don de ses cellules souches, car ils étaient incompatibles ou simplement trop vieux. Je me suis donc décidée pour un donneur non apparenté.
On a trouvé un donneur en novembre 2015. La greffe s’est déroulée sans problème, mais il y a eu des complications : la maladie du greffon contre l’hôte. Au moment où cela s’est terminé, j’étais couverte de cloques de la bouche jusqu’en bas. J’étais tellement mal en point que je ne voulais rien manger et que j’avais besoin d’aide pour aller aux toilettes. J’ai commencé à perdre mes cheveux. Mon ami Stan m’a fabriqué une affiche indiquant : C’EST JUSTE TEMPORAIRE et nous l’avons accrochée pour que je l’aie sous les yeux tous les jours. Je me suis mise à perdre beaucoup de poids, je suis passée de 100 kg à 45 kg. Mais je marchais quand même tous les jours avec l’aide de ma famille et de mes amis. Six semaines plus tard, le correspondant japonais, que je connaissais depuis plus 50 ans, est venu me rendre visite pendant trois jours. C’est tout ce qu’il pouvait se permettre, mais il voulait absolument me voir.
Pour Noël, j’ai pu rentrer à la maison, mais j’étais toujours incapable de manger. Alors ma fille Allison m’a préparé un bouillon de dinde. Je n’ai pu en avaler que quatre cuillerées, mais c’était merveilleux d’être à nouveau en compagnie de toute la famille.
En janvier, on m’a autorisée à rentrer chez moi, mais il était hors de question que je reste seule. Cela m’inquiétait, car mes filles sont ma seule famille. Sans me le dire, Allison avait communiqué avec d’anciens élèves, des amis, des collègues et des personnes du voisinage. Pas moins de 54 personnes se sont inscrites pour se relayer pendant 3 mois. Et ils sont tous venus pour me raconter des histoires, voir des films et me lire des livres à voix haute. Ils apportaient les plats autorisés sur ma liste d’aliments pour me faire manger. C’était stupéfiant. Jamais de ma vie je n’aurais pensé que cela arriverait, et, au moment où j’écris ces lignes, je revois avec émotions tous ces moments. J’ai repris progressivement des forces.
Un an, jour pour jour après ma greffe, j’ai organisé une réunion pour fêter ce premier anniversaire. Nous avons acheté tous aliments typiques d’une fête pour un enfant d’un an avec une touche adulte : hot dogs, bâtonnets de carotte, margaritas au jello, deux gâteaux, jus (mimosas), et nous avons invité tous ceux qui se sont occupés de moi. C’était génial.
Cinq années se sont écoulées depuis. J’ai repris le travail et le bénévolat et j’ai pu assister au mariage de ma fille, Allison, en mars dernier, le dernier mariage juste avant la pandémie de COVID-19.
J’ai eu de la chance : les médecins, les infirmières, le personnel, ma famille, mes amis, mes collègues – tout le monde a été extraordinaire. Et chaque jour, je remercie le ciel d’être guérie du cancer.